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🇮🇹 Renversé par une voiture, il oublie les 39 dernières années de sa vie: l’étrange histoire de Luciano

🇮🇹 Renversé par une voiture, il oublie les 39 dernières années de sa vie: l’étrange histoire de Luciano

En février 2019, Luciano D’Adamo, 63 ans, se fait renverser par une voiture à Rome. À son réveil à l’hôpital, il est convaincu d’être en 1980 et d’avoir 23 ans. Il va peu à peu se rendre compte, à son grand désarroi, qu’il a oublié 39 ans de sa vie. Une histoire fascinante du Corriere della Sera, relayée par Le Courrier international.

Quand le médecin urgentiste lui demande s’il doit prévenir un membre de sa famille, Luciano lui donne le numéro de sa mère: 3381270. Le docteur corrige: “06 3381270?”, en référence au préfixe de Rome (qui n’était pas obligatoire jusqu’à 1998 pour un appel local). Le convalescent ne comprend pas. “Vous êtes marié?”. “Pas encore mais dans quatre mois”, répond-il, avant de préciser que sa fiancée n’a que 19 ans. Le médecin, incrédule, jette un oeil à son dossier médical et lui sourit: “Eh ben… Félicitations!”. Luciano ne voit pas ce qu’il y a de drôle. Une femme se présente ensuite dans la chambre de la clinique Santo Spirito mais il ne la connaît pas. Le médecin, interloqué, l’invite donc à sortir. Une erreur sans doute. Quelques minutes plus tard, au tour d’un jeune homme, assez agité, qui s’empresse de lui demander: “Comment ça va, papa?”. “Un fou, je me suis dit”, confie Luciano au Corriere della Sera. “Il devait avoir au moins 30 ans… Comment aurait-il pu être mon fils, alors que je n’en ai que 23”, pensait-il. Les photos sorties de son portefeuille n’y changent rien: il ne reconnaît personne. Le lendemain de l’accident, Luciano se lève pour aller aux toilettes. Il découvre son reflet dans le miroir et est saisi d’effroi. Qui est ce vieil homme, cet étranger? Il hurle. Les infirmières débarquent et tentent de le calmer. Un sentiment de terreur l’envahit. Comment sortir de ce cauchemar (suite ci-dessous) ?

“On est en 2019, Monsieur”

“On est en 2019, Monsieur”, lui explique le personnel soignant. “En 2019? Mais comment était-ce possible? Pour moi, nous étions le 20 mars 1980. Je venais de terminer le service à Fiumicino (ndlr: aéroport de Rome) et j’étais rentré à la maison. En ressortant, j’avais été renversé par une voiture”, raconte-t-il. En réalité, les événements s’étaient déroulés bien différemment. Le 6 février 2019, Luciano était en fait sorti de l’école où il était employé comme cuisinier pour jeter les poubelles dans la benne à ordures. C’est à ce moment-là qu’il avait été renversé et qu’il s’était violemment cogné la tête sur le bitume. “Le problème, c’est que moi, je n’avais plus aucun souvenir de ce moment ni des 39 dernières années. Je ne me souvenais plus de rien, ni de personne, comme si je n’avais rien vécu du tout. J’avais 23 ans et certainement pas la soixantaine. Ce mec dans le miroir, je ne le connaissais pas mais ce n’était pas moi”, commente-t-il. Les médecins, eux, pensent que la mémoire reviendra peu à peu avec le temps. Or, cinq ans plus tard, rien n’a changé et les 39 années effacées ne sont pas revenues. “Ma mémoire s’est arrêtée à ce jour de mars 1980″.

Souvenirs footballistiques

Aujourd’hui, Luciano tente de reconstruire sa vie et de recoller les morceaux avec l’aide de ses proches, avec Tina, plus particulièrement, cette “mystérieuse femme” qui avait débarqué dans sa chambre le jour de l’accident: son épouse depuis plus de 40 ans. Supporter de longue date de l’AS Rome, il ignorait que les Giallorossi avaient remporté deux titres de champion d’Italie depuis lors (en 83 et 2001), il ne connaissait pas Francesco Totti, ni même Messi, Maradona, Ronaldo ou Del Piero. L’Italie avait remporté deux Coupes du monde entre-temps. Il se souvenait du noyau entier de l’édition 1982, en Espagne, de Paolo Rossi à Marco Tardelli, en passant par Dino Zoff et Bruno Conti… sauf de Bergomi, évidemment (ndlr: le plus jeune joueur de l’équipe à l’époque). Récemment, Luciano a d’ailleurs été invité à (re)découvrir le club de son coeur, en compagnie de Ruggiero Rizzitelli (1988-1994, voir vidéo ci-dessous), ancien coéquipier de Rudi Völler et Giuseppe Giannini à l’Olimpico. Aujourd’hui, des bribes remontent à la surface, sous forme de flashes, comme la naissance de ses deux fils, Simone et Marco. “Ma mémoire est comme un jukebox des années 70: je mets 100 lires (ancienne devise italienne), les disque tournent et un seul se pose sur la platine”, confie-t-il.

Un monde nouveau

À sa sortie de l’hôpital, Luciano a découvert le GPS sur le tableau de bord de la voiture de son fils et tant de nouvelles technologies… dont le téléviseur à écran plat installé dans son salon. Il ne sait rien de l’assassinat des juges Falcone et Borsellino, de Silvio Berlusconi, des deux derniers papes, de Gorbatchev, de John Lennon, ni même de la chute du Mur de Berlin ou du 11-Septembre. “Je ne suis pas heureux… Comment pourrais-je l’être? J’ai découvert que ma mère était morte et je ne me souviens même pas de son enterrement”. L’homme, désormais âgé de 68 ans, n’a d’ailleurs pas reconnu l’un de ses propres frères: “Je n’ai vécu qu’un tiers de ma vie, 39 années sont toujours plongées dans le noir. J’ai appris une chose: la vie vécue ne subsiste que par la mémoire. Le reste s’envole”.

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